Le coût exorbitant du chômage des travailleurs frontaliers



Jeudi 24 Octobre 2024
Aurélien Delacroix

L’Unédic a alerté une nouvelle fois sur le coût croissant du chômage des travailleurs frontaliers. Chaque année, la France doit couvrir environ 800 millions d’euros pour ces travailleurs, principalement employés en Suisse et au Luxembourg, qui résident en France. Ces charges pèsent lourdement sur les finances de l’organisme, qui en appelle à une révision des règles de financement au niveau européen.


Les limites du système actuel pour les frontaliers

Selon Jean-Eudes Tesson, président de l’Unédic, le système actuel crée un déséquilibre important. Les travailleurs frontaliers cotisent dans le pays où ils exercent leur activité, mais c’est le pays de résidence qui prend en charge leur indemnisation en cas de chômage. 

Une situation jugée « anormale », notamment lorsque les allocations chômage se prolongent au-delà de la période initialement prévue par le système de remboursement entre États. En effet, les États employeurs, comme la Suisse, ne remboursent à la France qu'un maximum de cinq mois d’indemnisation, laissant le surplus à la charge de l'Unédic. Ce « manque à gagner » est estimé à plusieurs centaines de millions d'euros pour la France chaque année.

Depuis 2011, cette situation aurait coûté plus de 9 milliards d’euros au régime d’assurance chômage français. La plupart des chômeurs frontaliers concernés proviennent de Suisse (61%) et du Luxembourg (22%), où les niveaux de salaire sont bien supérieurs à ceux pratiqués en France. 

Cela entraîne une difficulté supplémentaire : ces travailleurs peuvent refuser des offres d’emploi en France jugées « non conformes » à leur rémunération antérieure, tout en continuant à percevoir leurs allocations chômage. Un point que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a récemment souligné comme une des principales aberrations du système actuel.

Vers une révision des règles ?

L’Unédic n'est pas seule à réclamer une réforme. Les partenaires sociaux, dont le Medef et la CFDT, appellent également à une renégociation des modalités de prise en charge des travailleurs frontaliers au sein de l'Union européenne. Le gouvernement semble avoir pris la mesure de l'enjeu. 

La ministre du Travail a déjà annoncé son intention de réviser le règlement européen encadrant les remboursements entre pays. Elle a aussi mentionné une révision possible des critères définissant une « offre raisonnable d’emploi », afin que les frontaliers ne puissent plus refuser des offres en France sur la seule base d’un différentiel de salaire avec leur emploi précédent.

Si cette réforme était mise en place, elle permettrait de stopper plus rapidement le versement des indemnités chômage aux travailleurs frontaliers qui refusent des offres d’emploi en France, tout en allégeant la charge pour l’Unédic. Cependant, cette mesure devra être négociée avec précaution, car comme l'a rappelé la CGT, les frontaliers ne sont pas tous des cadres bien rémunérés. Beaucoup sont des ouvriers travaillant dans des usines métallurgiques de l’autre côté de la frontière. La crainte de pénaliser ces travailleurs est réelle.

En attendant une éventuelle réforme, l'Unédic reste vigilante et continue de dénoncer cette situation qu'elle considère comme intenable sur le long terme. « Notre rôle, c'est de dénoncer la situation et d'espérer que des solutions soient trouvées », a insisté Jean-Eudes Tesson, rappelant la nécessité d'une action rapide pour soulager les finances de l’assurance chômage française.








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