ACTA : à la recherche d'un équilibre entre protection de la propriété intellectuelle et respect des libertés civiles



Mercredi 26 Septembre 2012

Accord controversé censé régler la question de la violation des règles de la propriété intellectuelle sur internet tout particulièrement, ACTA a suscité une levée de boucliers mondiale au cours de l’été 2012. L’Anti Counterfeiting Trade Agreement avait initialement pour objet d’harmoniser les moyens de lutte anti-contrefaçon entre les pays signataires. Si cet objectif est en tout point légitime, ACTA a toutefois été rejeté avec vigueur comme une menace pour la création et même une atteinte aux libertés.


ACTA : à la recherche d'un équilibre entre protection de la propriété intellectuelle et respect des libertés civiles
Élaboré entre 2006 et 2010 par une quarantaine de pays en concertation, ACTA avait pour ambition d’harmoniser les systèmes judiciaires nationaux de lutte contre la contrefaçon. Avec ce traité, chaque signataire devait adopter un cadre légal reposant sur des bases identiques pour sanctionner les pratiques frauduleuses contrevenant aux règles de la propriété intellectuelle. L’efficacité du dispositif, notamment dans le cas d’infraction intervenue sur internet, devait provenir de l’adoption d’ACTA par un vaste panel d’États. Toutefois, alors que le projet de traité avait été signé par 22 États membres de l’Union européenne au début de l’année 2012, le traité ACTA est par la suite rejeté par le Parlement européen le 4 juillet 2012 à 478 voix contre 39. Comment expliquer le tollé d’ACTA en Europe en dépit de la grande mobilisation internationale dont ce traité a fait l’objet ?
 
 
Député responsable du dossier ACTA au Parlement européen, David Martin est en somme prescripteur du rejet du texte en Europe : « Les avantages escomptés de cet accord international sont plus que compensés par les menaces qu'il recèle pour les libertés civiles. Compte tenu du flou qui règne sur certains aspects du texte, et des incertitudes liées à leur interprétation, le Parlement européen ne peut garantir à l'avenir une protection appropriée des droits des citoyens dans le cadre de l'ACTA. Votre rapporteur recommande en conséquence au Parlement européen de refuser de donner son approbation à l'accord ACTA » avait-il déclaré au Parlement le 25 avril 2012. À l’origine de l’échec d’ACTA en Europe, il y a donc un enjeu de liberté.
 
Il est vrai qu’ACTA a suscité un rejet important de la part de la société civile et des organismes de défense des libertés civiles en France et dans le monde. Plusieurs articles du traité ACTA avaient en effet interpelé au moment de la divulgation. Parmi les points, qui ont suscité le plus d’inquiétude, on trouve notamment l’article 27.4. Cet article prévoit que « les autorités compétentes seront habilitées à ordonner à un fournisseur de services en ligne de divulguer rapidement au détenteur du droit [de propriété intellectuelle] des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné dont il est allégué que le compte aurait été utilisé en vue de porter atteinte à ses droits ». En d’autres termes, ACTA ouvre la porte au recueil d’un large panel d’informations personnelles par des tiers privés là où, en France par exemple, Hadopi s’en tient à la possibilité d’exiger d’un FAI qu’il transmette l’identité et les coordonnées de l’un de ses clients dans le strict cadre d’une procédure judiciaire.
 
En soi, le principe de l’ACTA n’est pas différent de celui qui se trouve à l’origine des législations européennes préexistantes au sujet de la propriété intellectuelle. On y retrouve des principes tels que la sanction graduée des individus s’étant rendus coupable de piraterie de contenus protégés, ou encore l’organisation de la lutte préventive contre la contrefaçon en des termes semblables a ceux posés en France par la loi d’octobre 2007. ACTA ne représente finalement pas une grande nouveauté. Le rejet que ce traité a suscité ne trouve donc pas son origine dans le principe du traité, mais plutôt dans certaines de ses modalités d’application.
 
L’ACTA introduit par exemple une notion floue qui a inquiété les petites entreprises et les artistes dont le terrain de prédilection est internet : il s’agit de l’« infraction du copyright a échelle commerciale » et des sanctions associées qui sont déterminées dans les articles 23 et 27 de l’ACTA. En vertu de ces articles, n’importe quelle entreprise qui utiliserait du contenu sous copyright dans le cadre de son activité serait passible d’action en justice dont les conséquences peuvent être radicales : pour des raisons de préventions d’infraction du copyright « à échelle commerciale », l’ACTA autorise en effet la limitation de l’accès internet du prévenu ou encore le déploiement de certains contrôles par le biais d’un filtrage de contenu. Or en l’absence d’une définition claire et précise de « l’échelle commerciale », n’importe quel détenteur de page web relayant du contenu copyrighté est susceptible de faire l’objet de poursuite.
 
En dépit de la légitimité de son objectif premier, Acta n’a pas réussi à s’imposer comme fondement légal d’une lutte internationalement coordonnée contre la contrefaçon et la piraterie sur internet. Désapprouvé par la société civile et jugé incompatible avec la garantie des libertés civiles par les représentants politiques européens, le traité a donc été abandonné. Cette décision est sans aucun doute accueillie avec soulagement par les PME et les petits créateurs évoluant sur Internet : ACTA faisait en effet peser sur eux le risque d’une judiciarisation paralysante de leurs activités. Néanmoins, le rejet de ce traité par une entité politique aussi vaste que l’Union européenne ne fait que prolonger la résolution du questionnement législatif autour de la protection de la propriété intellectuelle. Nul doute que celui-ci réémergera à l’avenir, car un système de sanction à la fois juste et efficace afin de protéger mondialement ces droits à l’heure de l’avènement des NTIC reste encore largement à déterminer.








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