Zoom sur la filière française des technologies de défense



Mercredi 2 Octobre 2013

En ces temps de crise économique, il est curieux de constater que bien peu de choses sont dites sur un secteur de notre économie qui se porte plutôt bien, et au sein duquel compétitivité et productivité n’ont jamais fait défaut.


Le Mirage IV - Mike Freer
Le Mirage IV - Mike Freer
Il serait presque franchement déplacé de ne pas se réjouir devant une réussite française, susceptible, pour une fois, de damer le pion aux Américains. Mais cela ne s’est pas fait tout seul. Après son passage par des restructurations massives au début des années 2000, l’industrie de défense française a su maintenir son rang de puissance exportatrice sur ce créneau, en combinant innovation, haute technologie et originalité de ses produits.
 
Il est vrai que l’on vend moins de chars d’assaut aujourd’hui qu’il y a vingt ans, du fait de ce paradoxal sentiment de sécurité européen, qui nous amène à paraître plus faibles de jour en jour face à une planète qui réarme massivement. Mais avec le deuxième domaine maritime au monde, et forte d’une riche histoire ultra-marine, la France peut se vanter de disposer de champions de classe mondiale dans le domaine de l’ingénierie navale, qu’il s’agisse des constructeurs de coques grises, ou des équipementiers de défense.
 
Les navires de guerre contemporains n’ont plus grand-chose à voir avec l’image d’Epinal du croiseur hérissé de canons et lourdement blindé. Furtifs, rapides, bardés d’électronique de détection et d’armements de haute précision, les navires modernes sont des outils stratégiques de haute technologie. Et en la matière, les industries hexagonales témoignent d’une inventivité indéniable qui fait leur succès à l’étranger. En des temps reculés, la France décida d’acquérir l’autonomie stratégique, via le saut du nucléaire militaire. Sauf que la tête nucléaire, la bombe, ne suffit pas. Encore faut-il les moyens de la porter chez l’adversaire, c’est-à-dire les vecteurs. Démarrèrent alors à l’époque les mises au point des sous-marins nucléaires d’engins, les SNLE, et des bombardiers stratégiques à long rayon d’action. Cela déboucha sur la classe Le Redoutable pour les premiers (et les sous-marins nucléaires d’attaque de classe Rubis un peu plus tard), et sur l’extraordinaire Mirage IV pour les seconds, qui posa les bases de la très performante industrie aéronautique européenne. Le saut technologique réalisé avec la marine, via notamment la conception des plus petits réacteurs nucléaires embarqués au monde, allait nous donner quelques longueurs d’avance pour la suite. L’étincelle de la volonté politique venait d’allumer le feu sacré chez nos ingénieurs ; il ne devait plus s’éteindre par la suite.
 
Quelques années plus tard, la France devenait la première puissance maritime à armer des bâtiments de premier rang furtifs, les frégates La Fayette, imitées depuis par toutes les marines du monde. Sa deuxième classe de SNLE, classe Le Triomphant, inaugurait un nouveau système de propulsion, fondé sur le principe du pump-jet et popularisé par le film Octobre Rouge. Sauf que dans la réalité, c’est la France qui s'en est dotée la première, disposant ainsi du SNLE le plus discret et le plus performant au monde. Plus proche de nous, les Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) ont été à l’origine de nouveaux standards, à la fois dans la construction navale, mais aussi et surtout dans la conception et la conduite des opérations amphibies, qu’elles soient d’ordre militaire ou humanitaire.
 
Le point fort de l’industrie nationale réside dans sa capacité à construire l’intégralité des systèmes embarqués, de la propulsion aux communications, de la coque aux armements. Les SNLE, comme les BPC, ne sont pas le fruit d’une seule entreprise, mais le résultat du travail en collaboration de centaines d’entreprises de haute technologie. Cette filière des industries de défense va de l’ingénierie nucléaire au guidage des missiles stratégiques, en passant par la métallurgie de précision et les sciences de l’hydroacoustique. Et si tout cela était simple, nous ne serions pas qu’une poignée de pays à maitriser ces technologies.
 
La France dispose de la capacité à proposer non pas des produits isolés et indépendants les uns des autres, mais des systèmes d’armes complets. Dans le cas des BPC, l’industrie française propose également des innovations majeures, dans la batellerie, avec les Engins de Débarquement Amphibie Rapide (EDA-R) ou L-CAT (pour « Landing Catamaran »), tels que nommés par le constructeur, la société CNIM. L’entreprise française, spécialisée dans l’ingénierie industrielle de haut vol et passée maître dans le maniement des systèmes énergétiques et militaires avancés, est aujourd’hui l’une des plus en pointe sur le marché de la logistique militaire, notamment grâce à la construction de coques en aluminium de tonnage important. Véloces, performants et polyvalents, Les L-CAT de CNIM complètent à merveille la réussite industrielle des BPC, vendus à la Russie. Ils sont suffisamment performants pour avoir impressionné les délégations officielles de la marine américaine lors d’exercices amphibies interalliées. Elles ont particulièrement noté la souplesse d’emploi, l’ingéniosité du design français, et le coût maitrisé du L-CAT. Et contrairement à ce que l’on peut imaginer, l’armée américaine n’est pas réticente à l’idée d’acheter européen : actuellement dans l’inventaire US, les mitrailleuses sont belges, les canons de ses chars sont allemands, les AV-8B Harriers des Marines sont anglais, et une partie de son parc hélicoptères est européenne.
 
Dans tous les domaines des technologies de défense, la France dispose d’un tissu industriel fourni, susceptible de répondre à une forte demande, même si essentiellement extra-européenne. Si nous pouvons certes nous féliciter d’être auto-suffisants en matière d’armements, quel que soit le besoin, nous devons surtout nous préoccuper de préserver ces savoir-faire chèrement acquis.




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