Un maillage antifraude européen
En 2011, l'Office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) recensait 700 000 faux billets en circulation dans la zone euro. Figure de proue de la sécurité fiduciaire, cet organisme assure la coordination opérationnelle de la lutte contre les faux monnayeurs. Il traque notamment les contrefaçons grâce au Répertoire automatisé pour l'analyse des contrefaçons de l'euro (Rapace). Cet outil permet l’identification des faux billets d’euros. Il est complété par le fichier national du faux monnayage (FNFM), véritable base de données qui recense l'ensemble des affaires de fausse monnaie commises sur le territoire national.
De plus, à l’heure de la monnaie unique, la collaboration entre les pays de la zone euro est nécessaire. Ainsi, la Banque Centrale européenne (BCE) a créé le Centre d'analyse de la contrefaçon qui analyse et répertorie les contrefaçons en lien avec les banques centrales de la zone euro. Avec ces classifications, « on peut savoir si les faux billets trouvés ont des caractéristiques de fabrication similaires et donc s'ils viennent de la même officine. On commence ensuite à chercher les émetteurs, puis les grossistes et, enfin, le fabricant » précise Corinne Bertoux commissaire et directrice de l'OCRFM. A cet arsenal répressif, s’ajoutent parfois des aides industrielles comme l’application Keesing SmartChecker. Développée par Hologram Industries, son but est le contrôle interactif des billets de banque et leur authentification par vérification d’un certain nombre de points de sécurité.
Ces procédés de haut vol se révèlent efficaces : la police judiciaire française a démantelé au printemps 2012, le plus gros réseau de faux billets en France (le deuxième en Europe). En effet, 350 000 faux billets de bonne facture ont été « fabriqués » en Seine-et-Marne, portant à près de 10 millions d’euros le butin retrouvé par les enquêteurs. Les billets écoulés sur le territoire européen avaient été répertoriés par la BCE. Cette découverte, qualifiée d’ « exceptionnelle » par les services de répression du faux monnayage, montre une « organisation assez aboutie. Il y avait plusieurs phases de fabrication. Notamment une, assez compliqué, de typographie pour fabriquer les signes de sécurité que l'on trouve sur les billets » explique Corinne Bertoux. En effet, les faussaires relèvent aujourd’hui plus de la criminalité organisée que de la filière artisanale. Face à cette escalade, les professionnels de la sécurité fiduciaire ripostent grâce aux pièges high-tech contenus dans les billets.
Des billets toujours plus high-tech
Objet du quotidien, le billet de banque a largement évolué pour devenir un concentré de technologie dont personne n’imagine réellement la complexité. L’euro est ainsi l’une des monnaies la plus sécurisée du monde : plus de 60 points de contrôle permettent de protéger les vrais billets de la contrefaçon. Loin des fantasmes d’un autre temps, la contrefaçon absolue est de nos jours impossible. « Le faux billet parfait n'existe pas. Certains signes sont très bien imités mais, en général, les faussaires ne font attention qu'à un ou deux signes, donc il faut en vérifier plusieurs. Certaines caractéristiques sont connues du grand public » explique Gilles Dutiel://www.lemonde.fr/societe/article/2012/06/16/faux-billets-comment-la-lutte-anti-fraude-s-organise_1719479_3224.html , expert en contrefaçon. François de Coustin, directeur de la communication de la Banque de France, précise que « le billet doit être ferme et craquer quand on le plie ». De plus, « on repère le traditionnel filigrane, le fil noir de sécurité, on détecte certains signes de sécurité par transparence». Des signes apparaissent également à l’aide d’une lumière ultraviolette utilisée par les commerçants et d’autres sont détectés grâce à des procédés dont seules les Banques centrales nationales et les fabricants détiennent le secret.
Cette confidentialité à toutes épreuves implique un effort d’innovation permanent de la part des professionnels de l’imprimerie fiduciaire. « Ce marché nécessite de nouveaux processus de fabrication » précise George Peiffer, qui dirigeait la fabrication des billets de la Banque de France en 2012. L’imprimerie publique avait, à l’époque, fait l’acquisition d’une nouvelle machine de sécurisation dans sa papeterie de Vic-le-Comte, afin d’honorer la production d’une partie de la nouvelle gamme d’euros.
Chez les fabricants de billets de banque comme Oberthur Fiduciaire, les enjeux sont en effet de taille. « Notre métier a ceci de particulier que nous ne devons pas seulement conserver une longueur d’avance sur nos concurrents mais également sur les contrefacteurs et les faux-monnayeurs contre lesquels nous sommes engagés dans une véritable course de vitesse » confie Thomas Savare, le directeur général d’Oberthur Fiduciaire. Le patron de cette entreprise française qui imprime des monnaies pour le compte de plus de 70 banques centrales, précise ainsi que « le temps des « artistes » qui travaillaient dans le fond d’un garage est révolu. Les faussaires se sont professionnalisés et organisés. A tel point que derrière chaque réseau de faussaires, on trouve forcément des ingénieurs ». Oberthur Fiduciaire engage donc des dépenses considérables dans le champ de R&D essentiel qu’est la sécurité, en développant des technologies anti-scanner ou des patchs à effets optiques par exemple. L’entreprise rennaise a ainsi déposé de nombreux brevets dont Jasper, un patch à effets d’optique sécurisés par embossage dynamique.
Cette course technologique est également le quotidien par la société SICPA, reconnue notamment pour son expertise et sa contribution dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon, à l’occasion de l’ID World International Congress de 2013. Elle conçoit aussi des encres de sécurité destinées à l’impression fiduciaire. Ces procédés de coloration et de sécurisation hautement technologiques permettent à l’entreprise de s’affirmer comme un prestataire privilégié aussi bien auprès des imprimeurs de haute sécurité que de gouvernements tels celui de la Suisse. L’innovation est une obligation permanente pour les fabricants de billets de banque et de technologies de sécurité.
Au début de l’année, la BCE a enregistré une hausse de la saisie de faux billets. Détection plus performante ou hausse massive de la contrefaçon ? Plus complexe à imiter, les billets en euros donnent maintenant lieu à des faux de plus en plus grossiers et donc plus facilement détectables. Mais en dépit de cela, la BCE a décidé de renouveler sa gamme d’euros afin de poursuivre la lutte antifraude. En outre, de nouveaux signes de sécurité feront leur entrée, notamment sur les petites coupures, premières cibles des contrefacteurs. La course permanente entre faux monnayeurs et fabricants de billets de banque se poursuit. Si les premiers ont de moins en moins l’avantage, il est bien plus complexe de leur faire admettre que le jeu n’en vaut plus la chandelle.
En 2011, l'Office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) recensait 700 000 faux billets en circulation dans la zone euro. Figure de proue de la sécurité fiduciaire, cet organisme assure la coordination opérationnelle de la lutte contre les faux monnayeurs. Il traque notamment les contrefaçons grâce au Répertoire automatisé pour l'analyse des contrefaçons de l'euro (Rapace). Cet outil permet l’identification des faux billets d’euros. Il est complété par le fichier national du faux monnayage (FNFM), véritable base de données qui recense l'ensemble des affaires de fausse monnaie commises sur le territoire national.
De plus, à l’heure de la monnaie unique, la collaboration entre les pays de la zone euro est nécessaire. Ainsi, la Banque Centrale européenne (BCE) a créé le Centre d'analyse de la contrefaçon qui analyse et répertorie les contrefaçons en lien avec les banques centrales de la zone euro. Avec ces classifications, « on peut savoir si les faux billets trouvés ont des caractéristiques de fabrication similaires et donc s'ils viennent de la même officine. On commence ensuite à chercher les émetteurs, puis les grossistes et, enfin, le fabricant » précise Corinne Bertoux commissaire et directrice de l'OCRFM. A cet arsenal répressif, s’ajoutent parfois des aides industrielles comme l’application Keesing SmartChecker. Développée par Hologram Industries, son but est le contrôle interactif des billets de banque et leur authentification par vérification d’un certain nombre de points de sécurité.
Ces procédés de haut vol se révèlent efficaces : la police judiciaire française a démantelé au printemps 2012, le plus gros réseau de faux billets en France (le deuxième en Europe). En effet, 350 000 faux billets de bonne facture ont été « fabriqués » en Seine-et-Marne, portant à près de 10 millions d’euros le butin retrouvé par les enquêteurs. Les billets écoulés sur le territoire européen avaient été répertoriés par la BCE. Cette découverte, qualifiée d’ « exceptionnelle » par les services de répression du faux monnayage, montre une « organisation assez aboutie. Il y avait plusieurs phases de fabrication. Notamment une, assez compliqué, de typographie pour fabriquer les signes de sécurité que l'on trouve sur les billets » explique Corinne Bertoux. En effet, les faussaires relèvent aujourd’hui plus de la criminalité organisée que de la filière artisanale. Face à cette escalade, les professionnels de la sécurité fiduciaire ripostent grâce aux pièges high-tech contenus dans les billets.
Des billets toujours plus high-tech
Objet du quotidien, le billet de banque a largement évolué pour devenir un concentré de technologie dont personne n’imagine réellement la complexité. L’euro est ainsi l’une des monnaies la plus sécurisée du monde : plus de 60 points de contrôle permettent de protéger les vrais billets de la contrefaçon. Loin des fantasmes d’un autre temps, la contrefaçon absolue est de nos jours impossible. « Le faux billet parfait n'existe pas. Certains signes sont très bien imités mais, en général, les faussaires ne font attention qu'à un ou deux signes, donc il faut en vérifier plusieurs. Certaines caractéristiques sont connues du grand public » explique Gilles Dutiel://www.lemonde.fr/societe/article/2012/06/16/faux-billets-comment-la-lutte-anti-fraude-s-organise_1719479_3224.html , expert en contrefaçon. François de Coustin, directeur de la communication de la Banque de France, précise que « le billet doit être ferme et craquer quand on le plie ». De plus, « on repère le traditionnel filigrane, le fil noir de sécurité, on détecte certains signes de sécurité par transparence». Des signes apparaissent également à l’aide d’une lumière ultraviolette utilisée par les commerçants et d’autres sont détectés grâce à des procédés dont seules les Banques centrales nationales et les fabricants détiennent le secret.
Cette confidentialité à toutes épreuves implique un effort d’innovation permanent de la part des professionnels de l’imprimerie fiduciaire. « Ce marché nécessite de nouveaux processus de fabrication » précise George Peiffer, qui dirigeait la fabrication des billets de la Banque de France en 2012. L’imprimerie publique avait, à l’époque, fait l’acquisition d’une nouvelle machine de sécurisation dans sa papeterie de Vic-le-Comte, afin d’honorer la production d’une partie de la nouvelle gamme d’euros.
Chez les fabricants de billets de banque comme Oberthur Fiduciaire, les enjeux sont en effet de taille. « Notre métier a ceci de particulier que nous ne devons pas seulement conserver une longueur d’avance sur nos concurrents mais également sur les contrefacteurs et les faux-monnayeurs contre lesquels nous sommes engagés dans une véritable course de vitesse » confie Thomas Savare, le directeur général d’Oberthur Fiduciaire. Le patron de cette entreprise française qui imprime des monnaies pour le compte de plus de 70 banques centrales, précise ainsi que « le temps des « artistes » qui travaillaient dans le fond d’un garage est révolu. Les faussaires se sont professionnalisés et organisés. A tel point que derrière chaque réseau de faussaires, on trouve forcément des ingénieurs ». Oberthur Fiduciaire engage donc des dépenses considérables dans le champ de R&D essentiel qu’est la sécurité, en développant des technologies anti-scanner ou des patchs à effets optiques par exemple. L’entreprise rennaise a ainsi déposé de nombreux brevets dont Jasper, un patch à effets d’optique sécurisés par embossage dynamique.
Cette course technologique est également le quotidien par la société SICPA, reconnue notamment pour son expertise et sa contribution dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon, à l’occasion de l’ID World International Congress de 2013. Elle conçoit aussi des encres de sécurité destinées à l’impression fiduciaire. Ces procédés de coloration et de sécurisation hautement technologiques permettent à l’entreprise de s’affirmer comme un prestataire privilégié aussi bien auprès des imprimeurs de haute sécurité que de gouvernements tels celui de la Suisse. L’innovation est une obligation permanente pour les fabricants de billets de banque et de technologies de sécurité.
Au début de l’année, la BCE a enregistré une hausse de la saisie de faux billets. Détection plus performante ou hausse massive de la contrefaçon ? Plus complexe à imiter, les billets en euros donnent maintenant lieu à des faux de plus en plus grossiers et donc plus facilement détectables. Mais en dépit de cela, la BCE a décidé de renouveler sa gamme d’euros afin de poursuivre la lutte antifraude. En outre, de nouveaux signes de sécurité feront leur entrée, notamment sur les petites coupures, premières cibles des contrefacteurs. La course permanente entre faux monnayeurs et fabricants de billets de banque se poursuit. Si les premiers ont de moins en moins l’avantage, il est bien plus complexe de leur faire admettre que le jeu n’en vaut plus la chandelle.