Comment le numérique bouleverse les schémas de la distribution



Vendredi 20 Juillet 2012
La Rédaction

Commander un livre et le recevoir dans sa boîte aux lettres le lendemain est un des principaux attraits de la vente en ligne sur Internet. Dans ce domaine, le géant américain Amazon, par exemple, en est l'un des pionniers gérant depuis 1995 une plateforme mondiale de distribution de livres, et ayant de plus lancé en 2007 son propre lecteur de livres numériques. Mais que deviennent les libraires face à ces géants de la distribution ? Ils s’organisent et s’adaptent pour pouvoir continuer à faire vivre leur passion et à vivre de leur métier.


Comment le numérique bouleverse les schémas de la distribution
Etat des lieux
 
Quelques chiffres : en 2011, 70 109 nouveautés et nouvelles éditions de livres sont parues en France et il s’est vendu, toutes catégories confondues (romans, livres scolaires, etc.), quelques 689 747 exemplaires. Par ailleurs, selon un sondage TNS-Sofres réalisé en 2010 pour le Ministère de la Culture, les lieux d’achat du livre sont les librairies à 23,4 %, les grandes surfaces spécialisées (FNAC, Virgin, Leclerc, etc.) à 22,3%, les hypermarchés à 19,1%, le reste se répartissant entre les clubs de livres, la VPC, et les soldeurs. Les ventes de livres sur Internet s'élèvent, quant à elles, à 13,1% du total. Le même institut mentionne qu'en 2010, 51,8% des Français ont acheté au moins un livre, 25,3% ont acheté de 1 à 4 livres, et 11,3% ont acheté 12 livres au minimum.
 
En ce qui concerne les points de vente de livres, leur nombre est estimé aujourd'hui à 25 000, dont sont 2 500 qualifiés de "librairies" au sens propre du terme. Un marché culturel qui est, lui aussi, écorné par la crise et qui connaît une vraie révolution dans son mode de diffusion avec la vente directe par Internet et l’apparition progressive du livre numérique.
 
Face au numérique
 
Un temps décontenancé par cette révolution technologique qui bouleverse un milieu jusqu’à présent assez traditionnel, le monde de l’édition réagit et s’adapte en rénovant et en privilégiant son réseau de librairies, tout en innovant. Un groupe historique comme Hachette par exemple, créé 1826, entend bien accompagner cette mutation. En 2010, à Francfort, Arnaud Nourry, après avoir bataillé avec les « grands du e-commerce » sur le contrôle des prix par les éditeurs, explicitait la position du groupe dans ce contexte de mutation technologique : « Si nous ne résistions pas, les libraires seraient les premiers à souffrir, suivis des éditeurs, puis des auteurs. Je vous laisse imaginer l’effet que cela aurait sur notre chaîne de valeur. Et à terme sur la diversité des goûts, le pluralisme des opinions et l’art de la narration, qui font partie intégrante de notre culture en démocratie.» Si le soutien aux libraires est une évidence, l’adaptation des structures aux nouveaux formats et aux nouveaux modes de distribution des contenus reste cependant un objectif primordial pour les prochaines années. Le PDG de la maison bientôt bicentenaire pronostique que les parts de marché de l'ebook pourraient atteindre 3 à 5 % en 2012 et 15 % d'ici trois ans. Et même s’il observe qu’en France, il demeure un réel attachement au livre en tant qu'objet, il estime aussi que le marché français pour le livre numérique s'avère incontournable pour tout éditeur soucieux de s'adapter aux attentes du lecteur et aux nouveaux usages de "consommation" de la culture.
 
L’hyper librairie de village
 
Les exemples de librairies qui réussissent ne manquent pas en France. Le 20 mai, la librairie Le Bleuet de Banon dans les Alpes de Haute-Provence a organisé sa fête en présence d’une vingtaine d’auteurs. Rien d’extraordinaire pour une librairie si ce n’est que l’histoire de ce lieu n’est pas banale. Rachetée par Joël Gattefossé, ancien menuisier, en 1990 elle n’offrait alors que « 77 livres en propriété et 250 en dépôt » sur ses rayons. Depuis, Le Bleuet, la petite librairie d’un village de 1 104 habitants à l’année, est devenue la sixième librairie française avec près de 112 000 références disponibles dans ses 800 mètres carrés et vend 500 livres par jour, 2 000 pendant la période estivale.
 
L’aventure ne s’arrête pas là et un gigantesque entrepôt est actuellement en construction dans la zone artisanale du village. Celui-ci devrait contenir en 2014 jusqu'à 1 million de livres. Un investissement de 4,4 millions d’euros appuyé par les collectivités locales et qui devrait voir naître « l'Amazon provençal », pouvant expédier jusqu'à 5000 colis par jour. Car Le Bleuet annonce le lancement du site internet Lebleuet.fr pour le 1er juillet 2012. Dans le quotidien La Provence le libraire passionné Joël Gattefossé explique : « En 2003, énormément de personnes m'ont dit qu'elles aimeraient pouvoir acquérir au Bleuet tous les livres dont elles ont besoin tout au long de l'année. Mais, venant à Banon uniquement pendant les vacances, elles étaient contraintes de s'approvisionner ailleurs le reste de l'année, mon établissement ne disposant pas d'une organisation performante de vente par correspondance pas plus que par internet. J'ai donc pris la décision d'étudier une possibilité d'expansion à grande échelle et à long terme, soit pour les dix années à venir. Et j'ai bouclé l'étape de faisabilité en 2009, avec succès. » Du bon mariage de la librairie et d’Internet.
 
On compte aussi sur les libraires
 
Les éditeurs eux mêmes, depuis longtemps, sont conscients que les réseaux traditionnels sont aussi une clé de la diffusion du livre et ont décidé de donner un coup de pouce aux libraires, en créant dès 1998, l’ADELC, Association pour le développement de la librairie de création. Son objet est multiple, à savoir « contribuer à une plus large diffusion du livre et de la culture du livre, de permettre à tous les libraires ou groupements de libraires animés par le souci de la création éditoriale de se rencontrer, d'échanger leurs conceptions et de renouveler l'approche de leur métier, d'assurer la pérennité des librairies de création existantes et de contribuer à l'implantation de nouvelles librairies de création, d'apporter aux libraires de création l'aide technique et le soutien financier qui leur sont nécessaires, et notamment de contribuer à l'amélioration de leur outil d'exploitation et à l'assainissement de leur structure financière ». Cette association initiée par les éditions de Minuit, Le Seuil, les éditions Gallimard, La Découverte, vient d’être rejointe par Hachette, un poids lourd de l’édition française dont le PDG Arnaud Nourry estimait que « Au moment où l'édition fait face à une mutation sans précédent, cette décision illustre notre attachement, sans cesse réaffirmé, au réseau de librairies indépendantes, dont la pérennité est indispensable à l'avenir du livre. » (source ActuaLitte.com )
 
Du bon mariage de la librairie, de l'Internet et du numérique, tel est l’enjeu du secteur de l’édition dans les années à venir. Le livre, depuis Gutenberg, a toujours su s’adapter aux innovations techniques. Le numérique est une nouvelle étape de cette évolution, au sein de laquelle il reste à chaque acteur à affirmer sa valeur ajoutée.




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